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13.06.2012, 00:28 | |
INTRODUCTION Le domain de l’art theatral n’est pas toujours facile a cerner. Jusqu’ou peut-on parler de theatre? Quelle est la definition du theatre? Si l’on s’en refere a la simple etymologie, theatre vient du grec theatron, qui derive du verbe theaomai, signifiant contempler, considerer, etre spectateur au theatre. Il faut donc s’accorder la-dessus: il n’y a pas de theatre sans spectateurs, et le theatre demande la definition d’un lieu scenique. L’acte theatral ne doit pas s’exercer pour soi, mais s’addresser aux spectateurs. Le theatre doit raconter une histore humaine, representer «l’imitation d’une action de caractere elevee et complete» ( Aristote), ou «l’image exacte et animee de la nature humaine» (Dryden, dramaturge anglais du XVIIe siecle). Le theatre ne se contente pas d’etre une source demotion ou de plaisir: il doit rendre compte de l’homme. Ainsi, le theatre est un art qui a pour but de representer en un lieu defini la nature humaine dans ses action, ses pensees, ses grandeurs ou ses bassesses, en procurant au spectateur une emotion directe. La forme ecrite n’est que le refler de cet art vivant. I. Origines du theatre Le proto theatre De toutes les activites que l’homme a pu s’inventer, le theatre se distingue par le fait qu’il ne demande que tres peu de moyens. Dans ses formes les plus restreintes, il peut se resumer a une unique personne se presentant devant d’autres personnes, en quelque lieu que ce soit; aucune invetation, aucune etape particuliere dans l’evolution des societes n’est reellement necessaire. Le theatre a pu apparaitre de maniere primitive a n’importe quel moment de la Prehistoire, a partir du moment ou I’homo sapiens s’etait dote d’une organisation social. Toutefois, les traces les plus anciennesd’une forme de spectacle, dans les civilisation assyro-babiloniennes et hitite, datent tout au plus du trousieme et deuxieme millenaires av. J.-C., et ne permettent rien d’autre que de prudentes hypotheses sur ce qui a pu se passer auparavant. En Mesopotamie, on sait qu’un poeme retracant le mythe de la creation etait donne chaque annee pour la nouvelle annee babylonienne; mais faisait-il l’objet d’une declamation ou d’une veritable mise en scene? Dans quelles conditions etait-il joue? Etait-ce une ceremonie mystique, rituelle ou a demi profane? Totes ces questions restent en suspens. On peut imaginer, le souir au coin du feu, l’amuseur du village singeant ses companions ou retracant les exploits heroiques d’un ancien. On peut encore imaginer l’ensemble des chasseurs reconestituant la capture d’un animal, pour favoriser la chasse du lendemain. William Golding, dans «Sa Majeste des mouches», fait ainsi jouer par des enfents redevenus sauvages une seance de chasse rituelle, dans laquelle l’un d’entre eux tient le role du cochon sauvage. Entre le jeu, le rite et l’exorcisme, une forme vivace de spectacle a donc tres certainement existe, et peut-etre meme dans des lieux reserves pour cela. Mais rien ne permet de l’affirmer, ni d’en tirer une veritable conclusion. Le theatre antique Selon la legende, la premiere representation tragique serait due au poete Arion qui vivait a Corinthe vers la fin du VIIe siecle. La tradition avance ensuite le nom de Thespis, qui, venu d’Icarie sur son chariot lui servant de scene, aurait donne une premiere tragedie aux Dionysies entre 536 et 533. En precurseur, Thespis aurait degage nettement le premier comedian du choeur et differencie les parties chantees des parties parlees. Il aurait egalement etabli l’usage d’un prologue, d’une presentation, et utilise des masques moins grossiers qu’auparavant. L’etude de la tragedie grecque se resume donc a l’analyse d’une trentaine d’oeuvres, alors quil s’en ecrivit, entre le VIe et le Ve siecle, plus d’un millier; et que l’on pense qu’un theatre prive s’etait developpe dans les maisons aristocratiques, plus evolutif, avec l’intervention de mimes, des conteurs, danseurs, bouffons et poetes. En un peu moins de quatre-vingte ans, l’art dramatique eut le temps de naitre dt de mourir, mais aussi d’evoluer de maniere considerable, ainsi que l’a souligne Jacqueline de Romilly: «A beaucoup d’egards, la difference est large et plus profonde entre Eschyle et Euripide, qu’entre Euripide et Racine.» Les Atheniens adopterent vite le thetme de tragedie, et ce nom merite que l’on s’attade un peu sur sa troublante origine. Tragos signifie «bouc», et trag-oeudia «chant du ouc», ou «ode au bouc», ce qui, tout de meme, n’a pas un tres grand rapport avec le theatre. On pourrait croire que le terme decoule d’un qualificatif de Dionysos, mais le dieu, quand il est assimile a la vigueur sexuelle de l’animal, est appele eriphos, «juene bouc», et non pas tragos. Ttout au plus peut-on supposer que la trag -oedia, a lorigine, etait un «chant religieux dont on accompagnait le sacrifice d’un bouc aux fetes de Bacchus» (Bailly). L’origine de comedi, au moins, semble beaucoup plus claire: Komos etait le nom d’une joueuse fete processionnelle en l’honneur de Dionysos, avec des chants et des danses. Peu de temps apres la premiere guerre punique, vers 230, un affranchi tarentin, grec de la naissance, Livius Andronicus, commmenca a traduire pour la scene romaine des tragedies et des comedies du repertoire athenien. Les theatres romains aui se construisirent se differenciaient nettement du modele grec.Avec le monde romain, le theatre devenait-aussi- une entrepeise commerciale. L’evolution du theatre avait tue religion, mais, comme l’a joliment dit Leon Moussinac, les jeux du cirque et de l’amphitheatre finirent par tuer le paganisme. Les niuveaux chretiens n’avaient que repugnance pour des rejouissances populaires dont ils avaient en partie fai les frais, et les autres formes de spectacle ne pouvaient trouver grace a leurs yeux: les tragedies parlaient de dieux paiens, et les comedies etaient pleines d’obscenites. La jeune Eglise contribua a faire disparaitre le theatre, mais le public, de toute facon, n’etait plus au rendez-vous. Avec la fin de Lempire romain se tournait une page definitive. Arrivait un age des tenebres durant lequel le theatre n’etait meme plus l’ombre d’un souvenir. II. Le Moyen Age Theatre d’inspiration religieuse Il est assez difficile d’imaginer qu’en Occident, le theatre aut pu se mettre en sommmeil pendant pres de dix siecles. L’Europe eut a digerer les vagues successives d’invasions barbares, et ne conserva son empreinte culturelle qu’a travers le filtre de la religion dominante. L’Eglise controlait l’education, intervenait largement dans les affaires des royaumes, dans la vie publique, l’art, le commerce, les institutions; et ke theatre ne pouvait pas lui non plus echapper a son influence. L’aristocratie feodale, quant a elle, se contentait des passages de troubadours, acrobates, jongleurs et autres montreurs d’ours. Cependant, la farce grossiere subsistait sur des estrades de fortune, avec une plus ou moins grande tolerance de l’Eglise; elle se distingua rapidement du jeu liturgique ou profane, qui avait une pretention plus litteraire; la moralite acait une intention edifiante, avec un recours a l’allegorie; le dict se resumait le plus souvent a un monologue qui traitait qui traitait d’un sujet d’actualite; la sottise ou sotie etait une farce qui mettait en scend des membres de l’imaginaire «peuple sot»; enfin, la pastorale, plus tardive, etait une sorte de tragi-comedie aux personnages champetres. Il est indubitable qu’il y eut dans cette epoque l’intervention de metteurs en scene, ou tout du moins de regisseurs, qui coordonnaient les spectacles. Les participants etaient des amateurs non retribues, mais auxquels on attribuait des indemnites en nourriture et en boisson, et chacun devait s’engager sur l’Evangile a tenir son role «avec conscience et sans defaillance». Le lieu de repeesentation prit bientot une forme etablie, que l’on retrouvera de maniere assez semblable dans toute l’Europe: une grande aire delimitee pour le jeu, quelquefois entouree de veritables gradins,ou d’une haute palissade,avec divers lieux sceniques signifies par des decors appeles mansions. D’une cote, il y avait le Paradis, symbolise par une facade de maison avec un trone sureleve pour Dieu, un choeur des anges et un areopage des personnages sacres; de l’autre, l’Enfer, qui etait represente par une gueule oucerte de dragon. Cependant, comme la ferveur religieuse n’excluait pas le desir de se distraire, des intermedes de jonglerie, de chansons et de farces vinrent bientot mettre un peu de varete dans les spectacles. L’oganisation des spectacles etait maintenant sous la responsabilite de confreries professionnelles et les acteurs eux-meme en cinrent a se regrouper en societes, appelees puys. Apres 1402, les Confreres de la Passion eurent a Paris un monopole de representations dans leur salle de l’hopitale de la Trinite, qui commencaient a se rapprocher d’une forme de theatre presque conventionnelle. Les amuseurs Les amuseurs publics continuaient d’errer de places publiques en salles de chateaux, quand ils n’etaient pas convies a se produire a l’occasion de mariages, celebrations et fetes dicerses. Des moralites, mais surtout des fatces, etaient donnees dans les foires, dans les tavernes,avec un disuositif de plus rudimentaires. Le theme le plus eprouve etait celui de la ruse l’un personnage qui lui permet de surmonter tous les obstacles, mais qui peut egalement se retourner contre lui; quelques illustrations de proverbes, quelques situations vigoureuses completent un repertoire qui s’apparente surtout a celui des fablaux. Le terme de farce, qui vient du bas-latin farsa, «farcissure», temoigne egalement du jargon utilise. Et le jeu tres outre ne faisait qu’accentuer l’intention premiere de divertir. Les comedies d’etuiants Les saltimbanques n’allaient pas tarder a se trouver en concurrence avec les clercs d’unicersite, qui commencaient eux aussi a s’adonner a l’ecriture comique. Il faut souligner la place qu’avait pris la Fete des fous dans les differents pays d’Europe. Les jeunes gens se costumaient, se masquaient, se deguisaient en filles, dansaient dans les eglises, buvaient. Aux Xve siecle, un certain Maffeo Vegio s’indigna d’une fete assez excessive qui s’etait deroulee sous le Dome de Pavie (Italy). Nous verrons d’ailleurs que les clercs et les lettes de Pavie seront les tout premiers a donner un aboutissement theatrala a leurs divertissements. L’une des consequences de tout ce renouveau theatral fut la creation de Societes joyeuses, rassemblant ici et la des comeditns amateurs, clercs pour la plupart, et qui connureent tres vite le succes. La plus celebre societe fut celle des Clercs de la Basoche de Paris, avec la concurrence, toujours parisienne, des Enfants sans-souci et des Sots. Ces troupes se deplacaient et les plus celebres etaient invitees ici et la pour de grandes occasions. Tout les comedies avaient en commun de s’ancrer desormais dans la realite et de decrire des scenes du temps, meme de facon cruelle ou parodique. Apres 1562, la situation politique allait considerablement perturber cet elan theatral. Les guerres de religion, les massacres, l’insecurite et les malheurs du temps provoquerent la disparition de nombreuses troupes. La vie theatral retrouva des formes nouvelles au XVIe siecle apres le retablissement de la paix sous Henri IV. Theatre neo-latin La decouverte de textes de plus en plus nombreux des auteurs latins et grecs avait entraine un engouement extraordinaire chez les lettres francais, qui se sentirent bientot dignec, avec la forme nouvelle de l’alexandtin, de figurer parmi les continuateurs des auteurs antiques. En 1549, Joachim du Bellay dans sa Defense et illustration de la langue francaise, condamnait les farces populaires et souhaitait «restituer comedies et tragedies dans leur ancienne dignite».Jean de La Taille, auteur en 1562 d’un imposant Saul le Furieux, rencherissait en souhaitant que l’on ecrive des comedies «faites au patron, a la mode et au portait des anciens Grecs et Latins». La langue latine reservait neanmoins ces spectacles a un auditoire eclaire, comme le demontre en 1502 cette reaction a une representation d’une piece de Terence a Metz, ou le publec populaire s’en prit violemment aux acteurs, car il ne comprenait rien. Paradoxalement, alors que les temps troubles reduisaient en peau de chagrin l’expression du theatre populaire, les representations se multipliaient dans les colleges qui y trouvaient le mouen d’illustrer leurs prises de position sur la Reforme. Et c’est Henri IV qui mit le hola a toute cette hardiesse par un arsenal de reglements universiraires. III. Le Classicisme Les scenes parisiennes En France, l’eclosion d’un veritable theatre fut plus tardive qu’en Italie, qu’en Espagne ou qu’en Angleterre. Alors que Shakespeare ou Lope de Vega avaient deja disparu, la scene francaise se resumait encore pour l’essentiel aux exhibitions des comediens itinerants que Scarron a si bien decrits dans le Roman comique. Les choses commencerent a evoluer quand Louis XIII accorda le titre de Troupe Royale a la compagne itinerante de Valleran Lecomte. A Paris, la troupe de Lecomte se produisait a la salle de l’Hotel de Bourgogne, rue Mauconseil, ou jouaient egalement les Comediens Italiens, tandis qu’une autre troupe, celle de Mondory, s’installait a la salle du Jeu de Paume, appelee aussi salle du Marais. Ce fut neanmoins Richelieu qui, passionne par le theatre, donna l’impulsion necessaire afin qu’il devienne un veritable «art noble». Il fut equiper un troisieme theatre au Palais-Caudinal, qui prendra ensuite le nom de Palai-Royal, et enfin celui de Comedie-Francaise. Corneille Pierre Corneille naquit a Rouen en 1606, dans une famille de fonctionnaires royaux. Il fut recu avocat en 1624 mais se tourna rapidement vers la carriere dramatique. Quelques comedies et tragi-comedies ke firent remarquer par Richelieu. Recrute, donc, par le Premier ministre, Corneille poursuivit cependant son oeuvre personnelle. En 1635, Medee fut un echec,mais vint en 1636 l’eclatant succes du Cid. Corneille proposait aux spectateurs de son temps l’illustration d’une veritable ethique, celle d’une exaltation de l’honneur et des valeurs aristocratiques. Le Cid reste la meilleure piece de Corneille, et sa fougue romanesque continue de lui assurer une eternelle jeunesse. Corneillle ne s’etait pas toujours plie aux regles classiques. Il amait les grandes histoires, les beaux sujers, et leur accordait pkrs d’importance qu’a l’etude des caracteres. A la demande du surintendant Fouquet, il reprit cependant la plrme en 1659 pour donner un Oedipe, et redigea en 1661 La Toison d’or, grand spectacle avec machineries donne a l’occasion du mariage de Louis XVI avec l’infante Marie- Therese. Mais la gloire montante de Racinelui faisait de l’ombre, et l’opposition entre les deux auteurs culmina en 1670 avec les representations tres attendues, a huit jours d’intervalle, de deux pieces sur le meme sujet. La perfection du Berenece de Racine l’emporta sur le Tite et Berenice d’un Corneille vieillissant. Un peu eclipse, il garda neanmoins la faveur du Roi dont il avait toujours servi la gloire. En 1682, il donna une edition complete de son theatre, avant de mourir en 1684. Moliere Jean-Baptiste Poquelin naquit a Paris en 1622. Il recut chez les Jeduites une education bourgeoise. Avec Madeleine Bejart et ses amis, il crea en 1643 l’Illustre Theatre et pri le nom de Moliere. Bientot encourage par ses amis, li se mit a des farces. Mais la troupe, dont il avait pris la tete en 1650, jouait egalement les tragedies de Corneille et des auteurs de l’epoque. En 1658, les comediens revinrent a Paris. Pris en charge par Monsieur, le frere du Roi, ils furent alors places au Peutit-Bourbon, pres du Louvre. En 1659, Moliere innova en faisanrt la satir des salons litteraires qui devenaient a la mode. Ce furent Les Precieuses ridicules, qui provoquerent de profondes polemiques: le theatre pouvait-il se faire le portrait de la vie? Comme le Petit-Bourbon allait etre detruit pour que soit realisee la colonnade du Louvre, la troupe avait demenage pour le Palais-Royal que la mort de Richelieu acait laissee sans affectation. L’ecole des maris (1661) revint dans les preoccupations de l’epoque, mais c’est L’ecole des femmes en 1662 qui souleva une nouvelle vague d’indignation a la Cour et a la ville. Fort de la faveur de Louis XVI, Moliere osa Le Tartuffe (1664), Dom Juan ou le Festin de pierre(1665) et Le Misanthrope(1666). Moliere s’etait rabattu sur une farce, Le Medecin malgre lui (1666), puis sur une comedie, Amphitryon (janvier 1668), qui obtint un vif succes; George Dandin (juillet 1668) eut moins la faveur du public, et L’Avare (septembre 1668) fut un echec. Pour les fetes de la Cour, il ecrivit alors trois comedies-ballets, Monsieur de Pourceaugnac (1669), Les Amants magnifiques (1670) et Le Bourgois gentilhomme(1670). La peinture des travers ridicules prenait les pas sur la satire. La plus grande apporte de Moliere au metier theatral lui-meme fut d’avoire su transcender la comedie et la pastorale pour aboutir au spectacle complet de la comedie-ballet, ce qui, plus tard, allait favoriser l’eclosion de nouvelles formes de spectacle. Mais l’histoire du theatre retient evidement surtout ses grandes comedies, celles de la description des comportements sociaux. Et meme si, comme dans Dom Juan, le sujer n’est pas toujours de lui, son apport est tel qu’il semble toujours le faire renaitre. Racine Lorsque parut Jean Racine (1639-1699), toute la vie de cour s’etait centralisee autour de Louis XIV, et le jeune poete ,’aura de cesse que d’assurer sa reuissite aupres du Roi-Soleil. Son theatre s’enferma dans un univers essentiellement aristocratique, mais il n’endemeure pas moins la forme la plus accomplie de toute l’expression classique. Fils d’un controleur de grenier a sel, Racine fut pris en charge par sa grand-mere, qui le fit elever dans l’ambiance tres particuliere de Port-Royal, et dans des colleges egalement tenus par des Jansenistes. Il recherchait la protection des grands, et tenta d’attirer l’attention du Roi par des poemes a sa plus grande gloire. En 1664, il fit representer La Thebaide par la troupe de Moliere au Palais-Royal, puis Alexandre en 1665. Il se brouilla cette annee-la avec Moliere, passa a l’hotel de Bourgogne ou sa maitresse Therese Du Parc, comedienne chez Moliere, le rejoignit pour creer Andromaque en 1667. Suivirent trois autres chefs-d’oevres dramatique, Britannicus (1669), Berenice (1670), Phedre (1677), et son unique comedie, Les Plaideurs (1668). En 1667, Louis XIV le nomma «historiographe du Roi». Il fit un mariage convenable, devint directeur de l’Academie francaise. C’est a ce souce d’exactitude que le theatre de Racine doit son accent de verite dans l’analyse des personnages, qui est le reflet d’une interrogation plus profonde sur la condition humaine. Et, derriere la masque du cynique arrivist, se revele le visage plus douloureux d’un veritable grand dramaturgue. IV. Le XVIIIe siecle Le theatre des lumieres L’homme qui ouvrit de nouveaux horizons au theatre francais ne fut pas un tres bon dramaturge; mais il sur reflechir sur le theatre comme personne ne l’avait fair jusque-la, et poser les bases dramaturgie. Examinant les differents types de theatre Diderot fit la difference entre le burlesque, le genre comique, le genre serieux, le genre tragique, et le merveilleux. En anoblissant des sujets bourgeois, en proposant d’orienter le theatre vers des portraits de societe, il degageait clairement une tendance qui s’etait amorcee avec la comedie italienne de Machiavel et L’Aretin, qui avait touche Lope de Vega dans ses drames sociaux, Moliere sans des pieces comme George Dandin. Le theatre de Diderot, Le Fils naturel (1757), Le Pere de famille (1758), Est-il bon?(1771) fut trop demonstratif pour etre veritablement interessant, mais sa reflexion entraina une prise de conscience dans les milieux du theatre. Beaumarchais Enfin, arriva celui qui allait porter l’art de la comedie au niveau d’un veritable pamphlet,et qui, temoignant des idees seditieuses de son temps, annonca la proche Revolution francaise. Pierre-Aguctin Caron (1732-1799), aui prit par la suite (par sa femme) le nom de Beaumarchais, etait avant tout un homme actif. Il fut l’inventeur avant vingt ans de l’echappement d’horlogerie, devit agent secret, fit un negoce d’armes avec les insurges americain. Debordant de vie et d’energie, il entama de surcroit une carriere litteraire avec des comedies serieuses, avant d’oser en 1774 Le Barbier de Seville ou La Precaution inutile, interdit par la censure, et que Louis XVI n’autorisa l’annee suivanre que dans une version remaniee. En 1781, Beaumarchais avait termine la suite du Barbier, qu’il avait ontitule Le Mariage de Figaro ou La Folle Journee. La premiere representation publique, le 27 avril 1784, fut l’une des plus memorables soirees de l’histoire du theatre en France. En 1789, Beaumarchais fut neanmoins considere comme un aventurier servile et un arriviste corrompu. Il echappa de peu a la mort, s’installa a l’etranger, ne revint en France qu’en 1796, proposa au gouvernement de percer l’isthme de Panama, avant de mourir en 1799. Le Mariage de Figaro fut la derniere grande piece de l’Ancien Regime, et la premiere de tout le theatre moderne. Le theatre de la Revolution La Renolution francaise entraina la multiplication des salles de spectacle et l’ecriture de centaines de pieces de toutes sortes. Un decret de 1791 donna a toute personne le sroit d’ouvrir un theatre et de faire representer les peeces de son choix. Liberes de la censure, le repertoire des theatres s’engagea jusqu’au vertige dans tous les genres. Quand aux revolutionnaires, ils envisageaient avec enthousiaime les possibilites didactiques du spectacle. Le public commenca par se ruer pour voir les pieces jusque-la interdites, commme le Charles IX ou la Saint-Barthelemy de Marie-joseph Chenier, les pieces qui denoncaient les scandaleux internements dans les couvents. En 1793, le Comite de Salut Public resserra considerablement les libertes du theatre. Ne subsistaient que les spectacles autorices, et des representations gratuites hebdomadaires des: «tragedies de Britus, Guillaume Tell, Caius Graccus et autres pieces dramatiques qui retracent les glorieux evenements de la Revolution et les vertus des defenseurs de la Liiberte». La Revolution francaise ne trouva pas son dramaturge. Pendent dix ans, les Francais avaient ete les propres acteurs d’un drame national. Et c’est a l’etranger qu’etaient apparues, pendant ce temps-la, de nouvelles formes d’ecriture dramatique. Le Romantisme Le Romantisme se targua de trop nombreuses paternites, se diversifia de telle facon et eut une descendance suffisamment embrouillee pour qu’il ne soit pas legitime de se demander ce qu’il avait vraiment, a l’origine, cherche a representer. Le Romantisme, en fait, naissait de la confrotation entre Shakespeare et Corneille. On admirait chez le premier son audace, son lyrisme, ses puissants portraits de personnages, sa liberte de compositoin, son melange de genres. Mais l’on souhaitait conserver du second une certaine forme esthetique, une theatralite somme toute assez formelle, un sens de l’epopee et une grandeur sublime des personnages. S’y ajoutaient a l’epoque un sentimentalisme assez exacerbe, un gout prononce de l’extravagance des situations, et une petite pointe de rejet pour le genre serieux. Dans ce dessein vague d’une nouvelle theatralite, qui n’etait pas non plus sans apparaitre comme une forme noble des melodrames populaires, de jeunes auteurs allaient jeter tout leur talent et toute leur fougue de modernes, contre les anciens, gardiens du temple du Classicisme. V. Le Romantisme au XIXe siecle Napoleon et le theatre Napoleon amait le theatre, et il aurait bien voulu lui donner une importance digne de son regne. A sa maniere, il lui accorda une attention toute particuliere. Il commenca en 1806 par reduire a huit le nombre des theatres de Paris, et a en controler severement le repertoire. Il avait ses preferences, mais aussi ses haines tenaces, et ses gouts allaient dans l’ensemble vers le theatre de Corneille, chez qui «les Grands Hommes sont plus vrais que dans l’histoire». Il aimait assez bien l’opera, n’appreciaitpas la comedie,et trouvait que les drames etaient «des tragedies pour femmes de chambre». Il aurait aime que son regne fut marque par un grand dramaturge, s’interessa un temps a Lemercier, puis a Francois Raynouard (1761-1836), qui avait attire les foules en 1805 avec une plate tragedie, Les Templiers. Alas, ses efforts ne furent pas couronnes de succes. Victor Hugo Victor-Marie Hugo (1802-1885) etait le fils d’un general de Napoleon. Ses plus grandes oeuvres etaient deja en gestation, mais c’est vers le theatre qu’il se tourna en 1827 avec Cromwell. La piece etait injouable, mais la preface fit l’effet d’une bombe; Hugo y affirmait un renouvellement necessaire de l’art, l’introduction du «grotesque» et du «caracteristique», la liberation de toutes les regles sinon celles de la nature, en bref, l’exigence d’un nouveau genre mariant le sublime, le comique, le lyrique, l’epique, le moral et l’historique, tout en respectant la forme de l’alexandrin. «La poesie complete, affirmait-il, est dans l’harmonie des contraires.» La premiere d’ Hernani, le 25 fevrier a la Comedie-Francaise, provoqua la celebre bataille entre les bourgeois et les jeunes Romantiques. Il est pourtant le grand meritede faire triompher un renouveau du theatre dans lequel les uns et les autres allaient puiser leur liberte. Dumas, Merimee Un an avant Hernani, Alexandre Dumsas (1802-1870) avait deja donne a la Comedie-Francaise Henri III et sa cour (1829) qui, sans faire de scandale, avait plu par son mouvement. Dans les manifestes romantiques, Dumas avait surtout piuse le principe d’un theatre historique, servant de toile de fond a des avenrures politiques et amoureuses. Il enchaina avec Anthony (1831) et La Tour de Nesle (1832), incontestables reussites du genre, meme si la verite historique s’y trouvait quelque peu bousculee. Dumas pat la suite se consacra essentiellement a ses grands romans-feuilletons, que des miliers de lecteurs suivaient avec passion dans les journaux en ne se souciant pas plus que l’auteur de l’exactitude historique: «Qu’est-ce que l’histoire, demandait-il. Un clou auquel j’accroche mes romans.» Et rappelons la curieuse tentative de Prosper Merimee (1803-1870) qui pretendra un temps n’etre que le traducteur des oeuvres d’une certaine Clara Gazul. Sous la forme d’un «theatre litteraire», publie entre 1825 et 1842, Merimee s’adonna a un romantisme plus souriant que dramatique, avec des themes pleins de fraicheur et d’originalite. S’en detachent L’Occasoin, tendre drame juvenile, et le brillantissime Carosse du Saint-Sacrement, objet de convoitise de la courtisane Calila Perchole dans un Perou d’operette. Musset Alors qu’Hernani, Antony ou Chatterion triomphaient sur scene, un jeune dandy au talent prometteur vouyait l’une de ses premieres pieces sifflee a l’Odeon. Alfred de Musset (1810-1857) fit pendant un certain temps partie de la jeunesse romantique,dont il incarna les outrances avec elegance et detachement. De toute la dramatique francaise, Musset est en effet le seul que l’on ait pu comparer au poete anglais, mais son esprit de fantasie et son badinage en font aussi le premier grand heritier de Marivaux. Il projeta son ame inquiete et sensible dans ses personnages. Musset projeta dans ses personnages ses ambiguites et ses interrogations qui etaient, avant l’heure, proprement existentielles. Avec une elegance un peu blessee, et sacs aucune artificialite, il fit de son theatre la plus pure emanation de l’esprit du Romantisme. VI. Le Boulevard du Crime Au Boulevard du Temple, la Revolution de 1789 eu un effet declisif sur les theatres: en supprimant le royal privilege de la Comedie-Francais, elle autorisait tout a coup les directeurs des autres salles a montrer de veritable pieces, et ils ne s’en priverent pas. Le repertoire du genre se renouvela tres vite sous la plume d’auteurs tels que Louis-Charles Caignier (1762-1842) et de Rene-Charles Guilnert de Pixerecourt (1773-1844), surnomes les «Racine et Corneille de boulevard», avec des pieces romanesques de pure fantaisie. Sur le Boulevard du Crime, on ne faisait pas que pleurer. La parodie, dans laquelle la Comedie-Inalienne etait passe maitre au XVIIIe siecle, resta au boulevard de l’un des genres les plus applaudis. La chute de l’Ancien Regime avait d’autre part propulse sur la scene des personnages comme le Roi d’Espagne, le Pape et la Tsarine de Russie. Enfin, un genre nouveau, le vaudeville, melangeant la comedies, les chansons et les ballets, florissait sur de nouvelles scenes dont celles du Theatre du Vaudeville et du Theatre des Varietes. VII. Le theatre Bourgeois Drames et comedies Scribe, avec sa prolifique production, avait largement occupe les scenes du theatre bourgeois. Il eut un continrateur en la personne de Victorien Sardou (1831-1908), qui fit montre de son savoir-faire des 1865 avec un drame bourgeois, La Famille Benoiton, puis avec une comedie de Goldoni, Maison neuve (1867). Il fur du «sur mesire» pour Sarah Bernhardt avec Fedora (1882), Theodora (1884), ecrivit en 1887 un sombre drame La Tosca, que Puccini mettra en music. Durant le Second Empire, Alexandre Dumas fils (1824-1895) poursuivit la carriere theatrale de son pere. Un drame personnel avait inspire La Dame aux camelias (1852), mais c’est avec les comedies de moeurs, La Demi-Monde (1885), Denise (1885), Francillon (1887), qu’il se demarqua en abordant des themes sensibles a l’epoque de la societe umperial. Operette et vaudeville Il est difficile de passer sous silence l’importance que detenaient sous Napoleon III des spectacles de pur divertissement, avec en premier lieu la place preponderante qu’avait prise l’operette. Sur des livrets dus la plupart du temps au tandem Meilhac et Halevy, Jacques Offenbach composa des oeuvres d’une extravagance et d’une gaite irresistibles, qui se donnerent aux Bouffes-Parisiens, au Varietes, au Palais-Royal. Eugene Labiche (1815-1888) fut a sa maniere un autre heritier de Scribe. Mais son theatre se distingua vite par sa fantaisie debridee, et une peinture de moeurs. Celui que Robert Pignarre appellera «l’Homere de la petite bourgeoisie a pantoufles brodees» porta le vaudeville a un niveau eclatant de reussite. Notons que Labiche ecrivit presque toujours en collaboration, et c’est du fruit de ces collaborations que naquirent ses plus grandes reussites: Embrassons-nous Follenille (1850),Un chapeau de paille d’Italie (1851), Le Voyage de monsieur Perrichon (1860), La Poudre aux yeux (1861), La Cagnotte (1864). Labiche n’avait pas d’autre but que de se moquer un peu, de faire rire beacoup. Et les bourgeois de province et de Paris faisaient un triomphe a celui qui les peignait si bien. Henry Monnier (1799-1877) collabora episodiquement avec Labiche, comme pour la burlesque Affaire de la rue de Lourcine (1857) qui fit egalement intervenir Edmont Martin. Monnier mit en scene son heros bourgeois dans La Famille improvisee (1831), dans Grandeur et Decadance de M. Joseph Prudhomme (1853), dans de nombreuses saynetes, et lui invena une solennelle biographie a travers un poman, Memoires de monsieur Joseph Prudhomme. Cependent, pour la plupart de ces auteurs, la guerre de 1870 ainsi que la decheance de l’Empire furent un veritable traumatisme. Labiche se borna ensuite a editer son theatre complet, Offenbach entreprit ses emoubants Contes d’Hoffmann. Le theatre de la IIIe Republique La IIIe Republique etait constituee en septembre 1870. Apres l’aneantissement de la Commune, les Parisiens reprirent peu a peu leurs habitudes. Les theatres detruits furent reconstruits et rouvrirent bientot leurs portes. Enfin acheve, l’Opera de Garnier fut inaugure en 1875; une tradition de boulevard se renoua aux Varietes, au Gymnase, au Vaudeville. Les theatres municipaux reprent bientot leurs activites, accueillant a nouveau les troupes en tournees. Enfin, les diiferentes lois sur les associations allaient favoriser la constitution de groupes d’amateurs. Le theatre Prenait une physionomie nouvelle. Les insouciants du Second Empire decouvrait un monde de revendication sociales, et les romans d’Emile Zola allaient contribuer a leur dessiller les yeux. Le meme Zola avait produit quelques drames mediocres. En 1881, il publia Le Naturalisme au theatre, apres avoir fait jouer une adaptation de L’Assammoir. Stephan Mallarmee plaidait pour un theatre qui pourrait rendre compte des aspirations spiritualistes et symboleques de la fin du siecle. Il n’avaient que degout pour le Naturalisme naissant, et revenaient a l’admiration des grands textes. Citons, comme l’un des meilleurs exemples dans cette voie, le theatre de Maurice Maeterlinck (1862-1949), dont La Princesse Maleine (1889), Pelleas et Melisandre (1892) ou Monna Vanna (1902) qui etaient empreints d’un beau climat d’etrangete et de mystere. Cependent, le vaudeville retrouvait toute sa gloire, et Rostand allait meme ressusciter le Romantisme. VIII. La premiere partie du XXe siecle Un theatre litteraire En reaction contre le Naturalisme, un certain theatre litteraire continuait a se developper, encourage par le mouvement des poetes symbolistes. Paul coaudel (1868-1955), ainsi, et qui n’avait as ete insensible a l’enchantement de Bayreuth, avait tente de retrouver l’ampleur de la tragedei grecque dans des dramaturgies foisonnantes, portees par un grand souffle lyrique et chretien. Copeau avait monte L’Echange (ecrit en 1901), mais la plupart de ses autres pieces, Tete d’or (1890), Le Partage de midi (1906), L’annonce faite a Marie (1912), furent creees dans les annees 40 et 50 par Jean-Louis Barault. Andre Gide (1869-1951) s’inspira quant a lui de mythes bibliques ou antiques, dans Saul (1903), Philoctete (1899), Bethsabee (1903), OEdipe (1930-32). Enfin, Romain Rolland, encourage par Gemier, tenta de donner au theatre une grande fresque sur la Revolution qui resta inachevee. Des trois oevres qui furent representees, Les Loups (1898), Danton (1900), Le Quatoze Juillet (1902), seule Danton presente un veritable interet dramatique. Cocteau Jean Cocteau (1889-1963) tint une place un peu a part dans les lettres francaises, avec son image de «prince frivole». Feru du culture grecque, il reinterpreta tout d’abord les mythes antiques dans Antigone (1922), Orphee (1926). La Machine infernale (1934), a partie du mythe d’Oedipe, constituait une fresque a la fois sombre et poetique des destinees de l’homme. En 1938 Les Parents terribles transposait au Boulevard la mythologie intime du poete. Anfin, L’Aigle a deux tetes (avec Edwige Feuillere, Jean Marais) fut une curieuse resurgence en 1946 du drame romantique, inspire librement par la mort mysterieuse de Louis II de Baviere. Influence du Surrealisme Arman Salacrou, Roger Vitrac, Antonin Artaud adhererent un temps au Surrealisme. D’autres auteurs s’y interesserent,en gardant quelquefois leurs distances. Roger Vitrac (1899-1952) eut une oeuvre tres personnelle, tendre et grincante, bien illustree par le ravageur Victor ou Les Enfants au pouvoir (1928). Victor fut monte par Antonin Artaud (1896-1948), qui avait fonde avec Robert Aron l’ephemere «Theatre Alfred-Jarry» voue a la derision et a l’humour corrosif. Armand Salacrou (1899-1990) etait un fils de la bourgeoisie industrielle, mais il fut journaliste a L’Humanite avant de rejoindre le Groupe Surrealiste. Ses tentatives de marier sur la scene l’ironei, la fantaisie et la reflexion aboutirent avec Une Femme libre (1934) et surtout L’Inconnue d’Arras (1935). Suivitent La Terre est ronde (1938), Histoire de rire (1939), et en 1947 L’Archipel Lenoir, satire feroce d’une grande famille bourgeoise dans l’avant-guerre. L’Occupation Pendent l’Occupation, la vie parisienne des theatres fut plus florissante que jamais. De nombreux spectacles que s’adressaient aussi aux soldats allemands en permission relevait du grossier divertissement, mais le theatre survivait censure. Une partie des professoinnels du theatre avait cesse de s’exprimer, certains avaient quitte la France. Mais d’autres etaient restes, et la periode se revelait propice a un theatre de qualite. Un cetain public, en effet, etait pret a recevoir des pieces un peu plus difficiles, qui soient distrayantes sans verser dans la gaudriole. Cela demoda tres vite de vaudeville et la comedie legere, mais permit le succes des Mouches de Sartre en 1943, mis en scene par Dullin, tandis que son ancien collaborateur Andre Barsacq faisait triompher Le Bal des voleurs, Le Rendez-Vous de Senlis, Antigone d’Anouilh. On creait egalement La Reine morte (1942), et Fils de personne (1943) de Montherlant. En 1943, Jean-Louis Barrault realisa Le Soulier de satin de Claudel a la Comedie-Francaise, et Marcel Herrand, l’annee suivante, crea Le Malentendu de Camus et Hius clos de Sartre. Sartre et Camus Dans l’une des periodes les plus troublees de l’humanite, les deux philosophes de l’Existentialisme poserent de grandes questions, auxquelles ils apporterent des tentatives de reponses. Jean-Paul Sartre (1905-1980), qui devenait le maitre a penser de toute une generation, utilisa le theatre comme un mode d’illustration directe de ses theses. Les Mouches (1943), en montrant la ville d’Argos ployant sous la domination d’Egisthe et sous le poids de la culpabilite, prenait une evidence caleur symbolique pour les spectateurs francais. Huis clos (1944) avait un fondement plus psychologique. Morts sans sepuluture (1946) avait comme sujer la torture, et La Putain respectueuse (1946) abordait le theme du racisme. En 1948, Les Mains sales retransposait le theme des Mouches. Plus complexes, ses deux dernieres grandes pieces, Le Diable et le Bon Dieu (1951) et Les Sequestres d’Altona (1959) furent d’ambitieuses variations sur l’acte et l’ethique. De tendance plutot naturaliste, le theatre de Sartre de voulait limpide, demonstratif et efficace; mais un certain symbolisme de ses themes lui conserve une actualite universelle. Le philosophe Albert Camus (1913-1960) etait ne en Algerie, ou,journaliste, enseignant, il avait egalement dirige une petite compagnie theatrale. Le Malentendu, cree en 1943 par Maria Casares, traitait de maniere un peu schematique de l’absurde condition de la vie. Plus flambouant, Caligula, en 1945, illustrait le terrible syllogisme: «On meurt parce qu’on est coupable. On est coupable parce qu’on est sujet de Caligula. Donc tout le monde est coupable. C’est une question de temps et de patience...» L’Etat de siege (1948) et Les Justes (1949) eurent moins de portee. Camus aimait le theatre, mais il ne parvint pas, sauf dans Caligula, a y insuffler le sens de l’absurde et de ma revolte qu’il avait si bien fait ressentir dans ses romans. Il venait d’adapter pour le theatre «Les Possedes» de Dostoievski, quand il disparut prematurement dans un accident de voiture. IX. Le theatre de l’apres-guerre Nouveaux metteurs en scene En France, le meilleur animateur laramatique de l’epoque, Jean Vilar (1912-1971) fut neanmoins un admirable continuateur du travail de Copeau et de Dullin. On lui confia en 1951 la direction du Theatre National Populaire, TNP, avec deux salles a Chaillot. Vilar y attira un public nombreux et fidele. Il declara: «Je ne souhaitais qu’une chose, c’est que Sartre me sonneune piece tres engagee. Je l’aurais montee.» Le TNP dependait en grande partie de subventions, et la manier dont il etait gere ainsa que la discussion des budgets constituaient une source incessante de debats avec des ministeres a la politique souvent incoherente. En 1963 Vilar demanda a ne pas etre reconduit a la tete du TNP. Il avait par ailleurs cree en 1947 une «semaine theatrale» dans la petite ville d’Avignon. En 1968 le «Festival d’Avignon» se deroulait sur la duree de quatre ssemaines, et attirait un publec de plus en plus nombreux, jeune, et avide de nouveautes. Vilar porta sur se epaules une grande partie du theatre de l’apres-guerre. Mais a sa mort, le mouvement issu du TNP retomba d’une maniere infuietante. La decentralisation, commencee en 1946, relancee par Malraux avec les Maisons de la Culture, aboutissait elle aussi, a un demi echec. Quelques animateurs continuerent cependant a un brandit le drapeau. D’autres chercherent curtout a se constituer un publec choisi. D’autres poursuivirent une exploration purement artistique de ma mise en scene, nourrie et enrichie par toute l’ecolution psychologique du XXe siecle. Evolution d’un theatre de divertissement Pendant quelques annees, le theatre des noceurs et cocttes, des adulteres et caleconnades survecut sur quelques scenes parisiennes, avant d’etre adapte dans le gout du jour pau de nouveaux auteurs. Des bons auteurs cependant lui redonnerent de la fraicheur, et Andre Roussin (1911-1987), avec La Petite Hutte (1947) ou Lorsque l’enfant parait (1951), apporta au gente un heureux renouvellement tout en restant dans la tradition d’un esprit Labiche. Plus exotique, et riche d’une belle faconde meridionale, Jeacques Audiberti (1899-1966) surprit avec Le Mal court en 1947, mais imposa son aimable theatre de divertissement avec en 1956 un veritable vaudeville moderne, L’Effet Glapion. Dans un style plus satirique, Marcel Ayme (1902-1967) donna quelques pieces derangeantes comme Lucienne et le Boucher (1950) et Clerambars (1950). Enfin, les themes au gout du jour de Rene de Obaldia (1918- ) lui assurerent un succes boulevardier des Genousie (1960). Outre Francois Dorin (Un Sale Egoiste, 1970, Les Bonchommes, 1970), le dernier grans representaion d’un genre qui ne cesse de renaitre de ses cendres. X. Le theatre de tout les possibles Survie de theatre Depuis quelques annees, le theatre se survit a lui-meme, sans grands evenement, mais tout en conservant la majorite de ses stuctures. Si la frequentation reste d’une maniere generale assez basse, les comediens, jeunes et confirmes, continuent de se battre avec acharnement pour que survive leur profession. Le theatre ne perdure qu’au prix de l’abnegation d’une grande partie de ses artistes. La situation est d’ailleurs approximativement la meme dans tous les pays de l’Occident, et l’interventionnisme plus ou moins grand des erars n’y change pas grand-chose. Les theatres en France aujourd’hui Traditionnellement le theatre en France est presente en deux parties: d’un cote le theatre public, de l’autre le theatre prive. Les theatres nationaux. Les plus connus et les plus prestigieux theatres de France sont au nombre de cinq. Le plus ancien, la Comedie-Francaise remplit une double mission: conservation du repertoire classique et consecration du repertoire moderne. Le developpemant des tournees en province et a l’etranger est egalement prevu pour faire connaitre le patrmoine theatral de la nation. Le Theatre National de l’Odeon, institution bi-centenaire, tout en ayant pour mission essentielle de la representation en alternance l’oeuvres classiques pu modernes d’auteurs francais ou etrangers, orientait egalement son activite vers la creation. Le Theatre National de Chaillot souhaite retrouver sa vocation initiale de grand theatre national populaire de creation. Cree en 1972, le Theatre de l’est Parisien poursuivit un travail de recherche de publics nouveaux, en particulier par la mise en place d’une cellule d’animation pour le quartier. LeTheatre National de Strasbourg (lui aussi cree en 1972 a partir du centre dramatique du meme nom) est un instrument ouiginal de creation et de recherche. Ces cinq theatres nationaux constituent donc un ensemble qui, sous la meme appellation, recouvre des activites et des missions differentes mais complementaires. Les centres dramatiques nationaux Les centres dramatiques nationaux sont issus de ce qu’on a appele la «decentralisation dramatique» et proviennent initialement de troupes de province dont les directeurs, choisis a titre personnel pour leur valeur artistique, ont passe des accords tacitesou verbaux avec l’administration des Affaires culturelles. Certains centres se sont vu attribuer une competence nationale et meme international; ils apparaissent presque comme des theatres nationaux de region du fait de l’amplication de leur travail commence depuis plusieurs annees: Theatre National populaire de Villeurbanne, Theatre National de Marseille, de Lille, les Treteaux de France. Les compagnies dramatique independantes Avant mai 68, il existait en France environ une trentaine de compagnies independantes plus ou moins subventionnees par les pouvoirs publics. Plus de mille sont aujourd’hui recensees dont 450 sont aidees par le ministere de la Culture. Deux systemes d’aide coexistent. La plupart d’entre elles sont soumises a l’evaluation annuelle d’une commission: elles sont dites «en commission». D’autres, en general les plus anciennes traitent directement avec la direction du Theatre et des Spectacles: elles sont appelees «hors comission». Illustre par la reussite de grandes troupes permanentes comme le Theatre du Soleil d’Ariane Mnouchkine, ce monde theatral nouveau comprend egalement de petites equipes a la recherche d’un public local ou d’un langage original. Le theatre prive Dans les annees 60, le theatre prive est compose, en province, des theatres municipaux et, a Paris, d’une cinquantaine de theatres prives. Les deux tiers des theatres parisiens ont un repertoire axe sur le «boulevard», les autres se consacrent a la presentation d’un theatre plrs ambitieux ( le Vieux-Colombier par example). D’une facon generale, a l’epoque, la vie des theatres prives est difficile. Il convient de distinguer parmi les theatres prives ceux dont le but est de faire du commmerce et ceux qui s’attachent a promouvoir des oeuvres de qualite (dans la tradition du Cartel), et qui desirent seulement que leur gestion ne soit pas deficitaire. En tout cas la situation du theatre prive parisien apparait maintenant comme bien meilleure. Une partie de ces resultats doit sans nul soute etre a porter au credit de l’Association pour le soutien au theatre prive, qui aide financierement certaines productions dramatiques. Le theatre amateur Les troupes de theatre amateur en France ont une activite importante et variee. Elles developpent une pratique theatrale de loisir: celui qui l’exerce n’a pas l’ambition d’en vivre. Cetteactivite est donc du ressort du ministere du Temps libre. Elle s’exerce aussi au sein de stages organises par des conseillers techniques et pedagogiques, de groupes de lyceens ou d’etudiants, d’entreprises, du «troisieme age», de maisons des jeunes, etc. Les Francais Il y a un peu plus d’un siecle, Goethe ecrivait: «La litterature national n’a plus grand sens aujourd’hui: le temps de la litterature mondial est venu et chacun doit aujourd’hui travailler a hater ce temps. Si je ne me prompe, ce sont les Francais qui tireront le plus guand avantage de cet immense mouvement.» D’une certaine maniere, il ne se trompait pas; les Francais dominerent en partie les destinees du theatre pendant une grande partie du siecle passe, et pontrerent en tout cas l’example de leur invention, de leur talent et de leur rigeure dans tous les genres theatraux. La France, pourtant, n’est pas dans une meilleure situation aujourd’hui que la plupart des nations voisines, et cette situation quasi-general de declin montre bien que s’il y a une responabilite a trouver, elle ne peut se resumer a un rapport theatre-Etat. Le public Les vraies nouveautes au theatre, ouevres qui eclairent leur temps, les oeuvres fortes, meme difficiles, attirent immanquablement le public. On s’etonnera toujours que des portefaix et des valets aient pu se presser aux grandes oeuvres de Shakespeare, alors qu’ils boudaient dans le meme temps des pieces que ne leur plaisaient pas. Le public n’est pas devenu ingrat, mais il a ete rendu mefiant. Trop de spectacles pretentieux ou ennuyeux l’on passablement decourage, et lui feront rater un autre jour un spectacle de qualite. En se refusant a une certaine rigueur, le milieu theatral fait en partie payer a ses peilleurs element les faiblesses de ses plus mediocres. Conclusion: Le secret du theatre La conclusion de ce long parcours historique de l’art theatral aboutit donc sur le constat d’une certaine periode de repli, une periode qui sera peut-etre un jour analysee comme une etape necessaire. Elle n’est pas sans precedent et, dans le passe, de nouveaux auteurs sont toujours parvenus a faire renaitre de ses cendres une dramaturgie quelquefois defaillante. Peut-etre faut-il susciter et soutenir ce nouvel elan, et l’esperer aussi beau, ausse riche, aussi surprenant qu’ont pu l’etre en leur temps les grands moments de l’art dramatique. L’histoire et l’art sont imprevisible, mais le theatre continuera tres certainement d’appartenir a l’un et a l’autre. Il reste aux auteurs, aux acteurs, aux metteurs en scene de demain, a medeter le grand secret du theatre, celui qu’avaient decouvert leurs illustres predecesseurs. Moliere disait, dans La Critique de l’Ecole des femmes: «Je voudrais bien savoir si la grande fegle de toutes les regles n’est pas de plaire.» Racine rencherissait, dans la preface de Berenice: «La principale regle est de plaire et de toucher. Toutes les autres ne sont faites que pour parvenir a cette premiere.» Et Boileau le versifia dans son Art poetique: «Le secret est d’abord de plaire et de toucher.» | |
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